des miettes... pour qui?

Il y a un fil conducteur explicite entre ces trois lectures. Le prophète Isaïe annonce un grand rassemblement de toutes les nations, Israélites avec étrangers, sur la montagne du Seigneur ; saint Paul, lui, rappelle que la miséricorde de Dieu vaut autant pour les nations païennes que pour Israël. Quant à ’Évangile, il nous donne un récit où, après s’être fait apparemment  un peu tirer l’oreille, Jésus accède à la demande d’une Cananéenne, venue des territoires païens qui bordent la Palestine. Nous comprenons bien le message, le salut qu’il vient apporter est universel, pour l’humanité tout entière.

Revenons cependant au récit évangélique qui peut intriguer. Pourquoi ce dialogue entre Jésus et la femme ? Serait-ce à cause d’elle que Jésus découvre l’universalité de sa mission ? On a peine à le croire… Pourquoi ne pas y voir plutôt une sorte de mise à l’épreuve des disciples ? Ils lui disent de la renvoyer ; pour eux, en effet, le Messie n’est venu que pour les brebis perdues d’Israël. C’est bien aussi ce que pensent tous les Juifs de son temps. Pourtant le prophète Isaïe avait bien annoncé qu’un jour viendrait où toutes les nations seraient réunies autour de la montagne du Seigneur… et d’une certaine manière : que le Messie sera celui qui réalisera ce rassemblement !

Dans son court dialogue avec la femme, Jésus reprend les arguments des Juifs, qui sont aussi ceux des disciples : "Il n’est pas bien…" Pourquoi ne pas voir dans cette parole une manière un peu ironique de prendre les disciples au piège de leur conception étriquée de sa mission (« c’est bien cela que vous pensez ») ? Surtout que la réponse astucieuse, et pleine de bon sens, de la femme  montre qu’elle a bien compris, elle, que Jésus est venu pour guérir et sauver tous les hommes, sans distinction.

Ainsi, c’est cette femme, une païenne de surcroît, qui va faire découvrir, non pas à Jésus, mais aux disciples, comment la mission du Messie s’étend à tous les hommes. On imagine alors la jubilation de Jésus. Et son action de grâce au Père : "Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits."